Élaborer des solutions de logement pour adultes autistes | Un chez‑soi d’abord
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Selon Courtney Weaver, l’abordabilité est le plus grand obstacle au logement pour les adultes autistes. Elle est conseillère en autonomie sociale auprès du laboratoire de solutions Le logement dans l’optique de l’autisme. Le laboratoire a pour but de créer une voie vers une vie autonome et épanouissante pour les adultes autistes.

8 octobre 2021

Solutions de logement pour adultes autistes

Remarque : Les Canadiens ayant un trouble du spectre de l’autisme ont des opinions qui diffèrent en ce qui concerne les termes à utiliser pour parler d’eux. Dans le cadre de ce texte, nous suivons les recommandations des conseillers représentant la communauté autiste au sein de l’équipe du laboratoire de solutions. Nous utiliserons donc un langage centré sur l’identité (« adultes autistes » ou « adultes sur le spectre de l’autisme »).

Les adultes sur le spectre de l’autisme sont peu pris en compte dans le système de logement canadien. Par conséquent, il y a peu de logements convenables et abordables leur étant destinés. Une équipe de spécialistes et de défenseurs des droits des personnes autistes possédant une expérience professionnelle et, dans certains cas, une expérience vécue de l’autisme s’efforce de remédier à cette situation. Elle détermine les obstacles auxquels font face les adultes autistes et élabore des solutions de logement pour leur offrir une vie autonome.

Autisme Ontario décrit l’autisme comme une « différence » ou une « condition » neurologique qui influence la façon dont une personne communique et interagit avec le monde qui l’entoure, par exemple le langage corporel, les interactions sociales, les relations et le traitement des stimuli sensoriels. Être autiste signifie que le cerveau peut traiter l’information différemment des personnes non autistes, ou neurotypiques.

Les obstacles entravant l’accès des personnes autistes à des logements convenables et abordables sont aussi vastes que les capacités et les besoins de ces personnes. Ce qui peut paraître simple pour un adulte neurotypique peut s’avérer difficile, voire traumatisant, pour un adulte sur le spectre de l’autisme. Les obstacles peuvent prendre n’importe quelle forme, qu’il s’agisse de connaître les caractéristiques d’un logement convenable, de comprendre les baux et de partager l’espace avec des colocataires. D’ailleurs, les tendances montrent que les adultes autistes sont de plus en plus exposés à l’insécurité alimentaire, à l’insécurité du logement et à l’itinérance.

Fiona Wright est conseillère en processus sociaux au sein du Lansdowne Consulting Group. Elle a dirigé la conception du laboratoire de solutions, qui a été lancé par une collègue, Pari Johnston, qui a un fils autiste.

« L’autisme se présente de différentes façons. Les personnes sur le spectre de l’autisme ont des besoins physiques et sensoriels différents », explique Fiona Wright, conseillère en processus sociaux pour le Lansdowne Consulting Group.

« Il n’y a donc pas de solution universelle au problème de logement des personnes autistes. On observe un important écart entre celles qui réussissent à trouver un logement convenable et celles qui n’y parviennent pas. »

Offrir une voie vers une vie autonome

Fiona a dirigé la mise sur pied d’un laboratoire de solutions (en anglais seulement), dont les travaux de recherche ont commencé en octobre 2020. Mené par le Lansdowne Consulting Group, le laboratoire a pour but d’offrir une voie vers une vie autonome et épanouissante pour les adultes autistes. L’idée du projet est venue d’une collègue de Fiona, Pari Johnston, qui a un fils autiste. Comme de nombreux parents, Pari se demande comment elle pourra soutenir son fils une fois adulte, et cela l’inquiète. Dans la plupart des provinces et des territoires, les personnes autistes ne sont plus admissibles aux programmes de soutien lorsqu’elles atteignent l’âge de 18 ans.

« Les adultes autistes sont souvent oubliés, affirme Fiona. C’est malheureux, car les recherches d’emploi et de logement infructueuses peuvent devenir pour eux des expériences traumatisantes. Ces défis peuvent aussi les plonger dans un état de morosité ou d’agitation, voire entraîner des problèmes de santé mentale. La création de logements n’est qu’une partie de la solution; il faut aussi offrir le type de soutien adéquat. Une partie du défi consiste à déterminer la bonne combinaison, c’est-à-dire le bon type de soutien et de logement, et ce, à toutes les étapes de la vie.

Les adultes autistes sont souvent oubliés. C’est malheureux, car les recherches d’emploi et de logement infructueuses peuvent devenir pour eux des expériences traumatisantes.
— Fiona Wright, conseillère en processus sociaux, Lansdowne Consulting Group

Le comité consultatif du projet est composé d’universitaires, de chercheurs, de spécialistes en santé mentale, de membres d’associations connexes et de personnes ayant une expérience vécue. Au total, 12 organismes partenaires soutiennent le projet.

Le Lansdowne Consulting Group a également embauché trois personnes autistes comme conseillers représentant la communauté autiste. Leur rôle est de veiller à ce que les points de vue et les expériences des personnes autistes soient pris en compte dans le projet (selon le principe « rien pour nous sans nous »). Les conseillers représentant la communauté autiste ont contribué à dissiper les préjugés inconscients que pourraient avoir les membres neurotypiques de l’équipe. Ils ont également fait la promotion du laboratoire de solutions au sein de leurs réseaux respectifs. Aujourd’hui, ils continuent de participer activement au projet.

En raison de la pandémie de COVID-19 et d’autres contraintes, le comité a opté pour la recherche narrative comme méthodologie. La recherche narrative est une forme de recherche qualitative qui repose habituellement sur le vécu, tel que raconté par les personnes concernées. Dans le cas du laboratoire de solutions, des personnes ayant une expérience vécue, leur famille, leurs amis et des spécialistes ont été invités à raconter leur expérience de l’autisme en ligne. Un outil de collecte de récits dans un niveau de langue approprié a été élaboré avec l’aide des conseillers représentant la communauté autiste.

Helen Ries, consultante de projet, affirme que l’établissement de relations et d’un climat de confiance au sein de la communauté a été un élément clé du laboratoire.

Pour établir un climat de confiance, il faut des conseils, de l’écoute et des solutions

« Au début, les gens étaient enthousiastes à l’idée de raconter leur vécu, mais beaucoup étaient réticents à le faire en ligne », explique Helen Ries, une experte-conseil faisant partie de l’équipe du projet. Il a donc fallu prendre le temps d’établir un lien de confiance avec cette communauté. »

Pour régler ce problème, le Lansdowne Consulting Group a embauché un facilitateur. Lorsqu’il y avait conflit, le facilitateur a offert des conseils, de l’écoute et des solutions aux conseillers représentant la communauté autiste et aux responsables de l’équipe. Cela a contribué à ce que le comité consultatif, les conseillers représentant la communauté autiste et l’équipe du projet travaillent plus efficacement ensemble.

L’abordabilité est le plus grand obstacle à l’accès à un logement convenable

Courtney Weaver est l’une des conseillères représentant la communauté autiste dans le cadre du projet. Elle occupe un emploi à temps plein à Services partagés Canada et travaille quelques soirs par semaine pour un député. Elle est également titulaire de deux diplômes universitaires : un baccalauréat ès arts en histoire de l’Université Queen’s et une maîtrise en études critiques sur la situation des personnes handicapées de l’Université York.

« Je ne suis pas aussi sensible aux stimuli sensoriels que certaines personnes autistes et je n’ai pas vraiment eu de difficulté à me trouver un logement, reconnaît Courtney. Toutefois, j’ai habité dans plusieurs types de logements : dans une résidence universitaire; avec des colocataires pendant et après mes études; et dans mon propre appartement. Ma participation à ce projet a été une occasion pour moi d’en apprendre davantage sur l’autisme et le logement et de mettre à profit mon expérience vécue. »

Même si Courtney ne s’est pas heurtée à des obstacles l’empêchant d’accéder à un logement, elle sait que la situation n’est pas aussi rose pour de nombreux adultes autistes. « Certains d’entre eux ont vécu des histoires d’horreur après avoir quitté la maison de leurs parents. Souvent, c’est parce qu’on ne leur a pas expliqué ce qu’il faut, à la base, pour qu’un logement soit considéré comme décent. J’ai entendu dire que des gens se sont retrouvés à vivre dans des appartements insalubres ou avec un conjoint violent. Mais le plus grand obstacle est l’abordabilité, tout simplement. Il doit aussi y avoir un filet de sécurité pour les personnes sur le spectre de l’autisme, car celles-ci peuvent soudainement se retrouver sans soutien à la suite du décès d’un parent ou d’un proche aidant, par exemple. »

Maddy Dever, conseiller en autonomie sociale, affirme que les problèmes de logement sont amplifiés lorsqu’on cherche un logement à la fois accessible et abordable.

L’accessibilité, un facteur qui accentue les problèmes de logement

L’abordabilité et les services de soutien social sont également des préoccupations prioritaires pour Maddy Dever, qui représente aussi la communauté autiste dans le cadre du projet. Maddy s’identifie comme non binaire et utilise un déambulateur depuis un grave accident de voiture, survenu l’an dernier. Quatre de ses cinq enfants sont sur le spectre de l’autisme. Récemment, Maddy a appris que son propriétaire vendait la maison dans laquelle vit sa famille et qu’il faudra donc trouver un nouveau logement.

« Le loyer du marché est presque le double de ce que je paie en ce moment, se désole Maddy. C’est difficile de trouver un endroit, surtout lorsqu’on a besoin d’un logement accessible. Chercher un logement qui est à la fois accessible et abordable, ça complique encore plus les choses. Le POSPH (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées) est ma principale source de revenus, et j’ai l’obligation de l’indiquer lorsque je remplis une demande. Je comprends tout à fait que les propriétaires veulent avoir la certitude que les futurs locataires ont une source de revenu stable, mais exiger de divulguer une telle information, ça nuit à l’égalité des chances. Et ça fait en sorte qu’on obtient les logements les moins intéressants. »

Naviguer dans le système de logement peut être traumatisant

Maddy souligne également que les déménagements peuvent être une expérience traumatisante pour les personnes autistes. Même si les autres sphères de la vie sont stables, un déménagement peut faire tout basculer.

« Juste de comprendre le fonctionnement du système peut constituer un obstacle de taille, affirme Maddy. Il y a des mesures de soutien pour les personnes ayant une incapacité physique, mais aucune pour les personnes qui ont un autre type de différence. C’est comme si l’autisme n’entrait dans aucune catégorie, alors qu’il est difficile pour nous de trouver un logement et d’obtenir des services de soutien. »

Lorsqu’une personne autiste est en crise, le logement fait souvent partie du problème. En effet, le logement est la pierre angulaire d’une vie stable. Malheureusement, il s’agit également de la sphère qui s’accompagne du plus grand nombre d’obstacles.
— Maddy Dever, responsable de représenter la communauté autiste, laboratoire de solutions Le logement dans l’optique de l’autisme

La transition vers l’âge adulte et le départ du cocon familial peut représenter un défi de taille pour les personnes autistes, car elles ne savent pas où aller chercher de l’aide.

« Devoir entreprendre quelque chose sans avoir d’expérience, c’est très difficile, dit Maddy. Certains adolescents et jeunes adultes ne sont tout simplement pas préparés pour les défis de la vie autonome. Comment se comporter avec son propriétaire? Comment obtenir une assurance habitation? Que faire si l’évier est bouché?

« Lorsque les parents laissent leur enfant autiste voler de ses propres ailes, celui-ci se retrouve souvent dans des situations difficiles, ajoute Maddy. Une grande proportion des jeunes de 17 à 30 ans se retrouvent en situation de crise.

« Lorsqu’une personne autiste est en crise, le logement fait souvent partie du problème. Le logement est la pierre angulaire d’une vie stable. Malheureusement, il s’agit également de la sphère qui s’accompagne du plus grand nombre d’obstacles. »

Défendre les intérêts d’autrui est plus facile que de défendre ses propres intérêts

Maddy a aussi connu la frustration d’arriver à aider d’autres personnes, mais pas à s’aider soi-même. « Je défends les intérêts des personnes autistes depuis des années, mais quand il s’agit de me battre pour moi-même, je n’y arrive pas. Ça me désespère. J’en ressens le poids tous les jours. J’anticipe ce que mes enfants vivront lorsqu’ils quitteront la maison. »

En mars 2021, le Lansdowne Consulting Group a bloqué l’accès à l’outil de collecte de récits en ligne, après en avoir recueilli environ 200. Ces récits fourniront au comité du projet les données nécessaires pour commencer à générer des idées qui, ultimement, généreront des solutions.

Conclusion : il faut améliorer et augmenter les options de logement

« Si tout va bien, le produit final sera un ensemble de solutions qui seront adoptées et qui permettront aux adultes autistes d’avoir une expérience positive dans le système de logement, espère Fiona. Personnellement, mon objectif est de créer des espaces inclusifs pour les personnes sur le spectre de l’autisme. »

Pour sa part, Courtney entrevoit des résultats à court et à long terme. « L’effet immédiat que j’espère que notre projet aura, c’est qu’il suscitera l’intérêt et la participation d’autres intervenants. Plus on sera nombreux, plus on aura la capacité opérationnelle et le financement nécessaires pour poursuivre le dialogue sur l’autisme et le logement. À plus long terme, j’aimerais qu’il y ait plus d’options de logement disponibles – et d’informations à leur sujet – pour les personnes sur le spectre de l’autisme. Je pense que ce projet a un potentiel incroyable. »

Un discours qui trouve écho chez Maddy. « J’espère que le laboratoire permettra de clarifier et de quantifier les différents problèmes auxquels nous sommes confrontés afin que nous puissions commencer à chercher des solutions. Il y a eu peu de recherches sur les adultes autistes et leurs besoins. Je trouve ça formidable que l’occasion se présente enfin. »

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